1 : 3 juillet 2015 : début des hostilités

Ce 3 juillet 2015, je ne l'oublierai jamais. Cette date restera à jamais gravée dans ma mémoire comme le début. Initialement, le début d'un merveilleux projet, celui de te rencontrer, toi mon enfant tant désiré. J'étais tellement loin de m'imaginer tout ce par quoi, ton père et moi allions passer, juste pour te rencontrer.

03 juillet 2015, dernier jour de prise de pilule. C'est décidé, papa et moi on se lance sans filet. Nous avions, à cette époque, respectivement 27 ans pour moi et 28 ans pour lui. Nous sommes prêts à devenir parents. Notre situation personnelle, professionnelle et matérielle est enfin propice à accueillir un enfant. Nous sommes prêts. 6 ans de vie commune, 2 ans de mariage, un amour inconditionnel nous uni. Nous sommes prêts. Et je suis prête à devenir maman, à tomber enceinte, à ressentir toute cette effervescence autour de la grossesse.



Mais j'ai un peu peur aussi. Pas de devenir maman, non loin de là. Mais j'ai peur de mon corps. Ce corps qui depuis la puberté me fait souffrir dès que j'ai mes règles. Ce corps qui chaque mois me tord de douleur. Je prends la pilule depuis mes 15 ans, justement pour limiter les douleurs liées à mes règles. Ma gynécologue de ville est persuadée qu'avec une bonne contraception, les douleurs disparaitront. Alors pourquoi des années après je souffre toujours autant ? J'ai tellement mal chaque mois, que ma gynéco me propose alors de prendre la pilule en continue à mes 25 ans, pour ne plus avoir mes règles et donc ne plus souffrir... C'est tout ? ça s'arrête là ? Pilule en continue et basta ? Pas d'examen, pas de suspicion de quoi que ce soit ? Et bien non, pilule en continue et puis c'est tout.

Effectivement, sans règles plus de douleurs, me voilà soulagée. Mais une petite voix au fond de moi me dit que ce n'est pas normal, qu'il y a forcément autre chose derrière tout ça. Mais bon, je ne suis pas médecin, je laisse les professionnels faire leur travail et je continue ma vie.

03 juillet 2015, ma dernière plaquette de pilule est terminée, on y va, on fonce. Je suis lucide, après presque 15 ans sous contraception, je ne vais tomber enceinte en deux jours. Mais peu importe, nous avons le temps, le temps d'attendre. J'ai imaginé un nombre incalculable de fois ce jour où je me rendrai compte que j'ai du retard, et que le test de grossesse me montrera un merveilleux +.

Je décide de retourner voir ma gynéco afin de lui expliquer que je désire avoir un enfant et que j'ai arrêté ma pilule. J'ai peur surtout d'avoir de nouveau mal tous les mois. Elle me prescrit des anti-douleurs juste au cas où et des examens à passer (bilan hormonal, IRM pelvienne pour suspicion d'endométriose). Endométriose ? Tiens ça me parle ce mot, j'en ai déjà entendu parler. Je connais même des jeunes femmes qui en souffrent. Sans trop savoir exactement en quoi ça consiste, mais je sais que dans la plupart des cas ça peut être un frein à la fécondité... Bon bah super réjouissant tout çà. De quoi bien me flipper dès le début du projet bébé.

Au final, examens normaux. Tout est OK. Enfin OK selon les médecins mais pas pour moi. Les premiers mois sans pilule, je m'en souviens. Des règles au naturel, des vraies règles. Et bah mon vieux, je les sens passer celles là. Mais qu'importe, je vais tomber enceinte rapidement, c'est obligé, les examens sont bons. Pas de raison de paniquer (lol).

Si la Alexandra de 2019 pouvait parler à la Alexandra de 2015, elle lui dirait ceci : "Serres les dents ma chérie, t'es pas au bout de tes peines !" 



Illustration by Dju Lala

2 : année 2016

Début 2016 : 6 mois... 6 mois se sont déjà écoulés. Et toujours pas de bébé à l'horizon. Bon aller ça ne fait pas si longtemps que ça au final. Selon ma gynéco, on commence à parler de difficultés à concevoir au bout d'un an. 

Alors, papa et moi on pense à autre chose, enfin on essai. Plus difficile pour moi car en plus de la déception chaque mois de ne pas être encore enceinte, je me retrouve en PLS dans mon canapé, bouillotte sur le bidon, à attendre que mes douleurs s'estompent. Il m'arrive même de manquer le travail, tellement je suis incapable de bouger. Mais vous vous rappelez hein, tout est OK. Les examens médicaux sont normaux, je n'ai rien (youpi joie !)

Un autre projet vient se greffer à nous et me permet de penser à autre chose qu'à mon utérus. L'achat de notre première maison. Entre les recherches de biens, les offres de prêt et tout le tralala nous voilà déjà arrivés au mois d'août 2016. Merde déjà un an que je suis sans pilule.

Début septembre 2016, welcome back chez la gynéco. Bilan classique et on parle du projet bébé. 14 mois sont déjà passés et rien, toujours rien. Elle me rassure, me dit qu'il faut penser à autre chose et que ça viendra naturellement avec de la patience. Elle me prescrit tout de même un examen à passer : une hystérosalpingographie. Cette méthode consiste à injecter, via le col de l'utérus, un produit de contraste afin de voir si les trompes de Fallope ne sont pas bouchées. Ce qui pourrait expliquer que la rencontre entre les spermatozoïdes et l'ovule ne se fasse pas. Elle me demande également, pendant 3 cycles menstruels, de faire des courbes de température afin de voir si j'ovule bien tous les mois. Elle ne me met pas la pression et me propose de se laisser encore jusqu'au premier trimestre 2017 et nous referons à nouveau un point à ce moment là. Mouai, à tous les coups je serai enceinte d'ici là. Aller courage c'est la dernière ligne droite (raclement de gorge...).

Je prends rendez-vous pour mon hystéro dans la foulée. Enfin je prends... j'essaie. Je n'ai jamais autant galérer de ma vie pour avoir un rendez-vous. Ce n'est pas que les places sont chères, c'est surtout qu'il faut pratiquer l'examen le 3ème jour du cycle (le 3ème jour des règles), à un jour prêt. Rien que ça ! C'est à dire que je dois savoir à l'avance quand vont tomber mes prochaines règles pour prendre mon rendez-vous sur la bonne journée. Autant vous dire, mission impossible.J'ai des cycles plutôt capricieux. Dans l'ensemble ils sont de 30 jours mais des fois, je ne sais pas pourquoi, boum cycle de 52 jours, cycle de 43... Je mets exactement 2 mois avant de pouvoir anticiper mon rendez-vous.

Le jour de l'examen est arrivé. Je ne suis pas rassurée. J'ai eu l'extrême intelligence d'aller fouiller sur internet pour savoir comment se passe une hystéro et surtout si c'est douloureux. Je pense que j'aurai du me casser une jambe ce jour là. J'ai lu, littéralement, que l'examen est tellement horrible qu'il est mis au dessus d'un accouchement sur le plan de la douleur... Ah ouais quand même ! Me voilà en total confiance, zen et rassurée (je vais découvrir rapidement que certaine personne ont légèrement tendance à exagérer la réalité). J'arrive donc au cabinet médical pour passer mon examen. Une docteure et une infirmière me prennent en charge. Elles sont douces et gentilles toutes les deux. La docteure m'explique dans le détail en quoi consiste l'examen : 'Vous allez ressentir une contraction lorsque je vais injecter le produit, c'est le moment le plus désagréable, après c'est complétement indolore". Bon bah c'est parti (courage Alexandra). Je me déshabille et m'installe en position gynécologique sur la table. Jambes dans les étriers, OK, spéculum installé, OK. "Ah mince Madame on a oublié de vous donner du Spasfon avant pour limiter la douleur de la contraction"... "Bon maintenant que vous êtes installée, c'est trop tard, on y va comme ça..." Quoi ??? La douleur de la contraction ? On avait pas dit juste avant que c'était juste gênant ? Merde ! Non non stop, donnez-moi du Spasfon, de la morphine, une barrette de chiite, n'importe quoi ! "On y va Madame, on commence". Oh putain non, je ne veux pas. "J'ai inséré la pipette avec le produit Madame." Mais tais-toi bordel avec le détail en direct des manipulations. Je ne veux pas savoir. Est-ce qu'il est trop tard pour partir en courant ? (bah oui Alexandra, rappelles toi, tu as les fesses à l'air, ça ferait mauvais genre dehors). "Et voilà Madame le produit est injecté, on va pouvoir passer en échographie pelvienne pour regarder vos trompes"... Ah bon ? C'est fini ? Bouh j'ai rien senti. Qu'est-ce que je suis forte, j'ai même pas eu peur hein  (c'est cela oui). La suite de l'examen se passe très bien. Mes trompes sont complétement étanches, les spermatozoïdes peuvent passer tranquillement pour rencontrer petit ovule. La docteure me demande de rhabiller et me dit : "C'est très bien que vos trompes soient normales, si il avait fallu vous les déboucher, ça aurait été une autre paires de manches"! (merci, je viens de faire une crise cardiaque).




Illustration by Dju Lala

3 : Nouvelle année 2017

... j'ai arrêté ma pilule en juillet 2015... on est déjà tout début d'année 2017. C'est pas que je commence à flipper mais un peu là quand même.

Je ne prends pas rendez-vous chez la gynéco, comme elle le l’avait demandé quelques mois plus tôt. Ça me saoul. On tourne en rond et à part me dire qu'il faut du temps et de la patience elle ne m'apporte rien d'autre. Bon en même temps elle n'y est pour rien, mais je commence à être vraiment saoulée.

Autour de moi, les grossesses se multiplient. Amies, famille et collègues. Je me réjouie pour elles. Car oui il faut se réjouir. L'arrivée d'un enfant c'est toujours une merveilleuse nouvelle. Et mon tour à moi c'est pour quand ? A chaque fois c'est une claque de plus en plus violente dans ma face. Ce putain de paradoxe qui fait que je suis heureuse pour elles mais triste pour moi. Et plus les annonces me tombent dessus, moins je les tolère. Les larmes viennent à chaque nouvelle annonce. Je n'arrive même plus à les contenir. Tout me renvoi à mon propre projet et à nos échecs mensuels.


Sans parler des fameuses phrases qui m'ont rendues dingue plus d'une fois, du genre :
"Et toi Alexandra le bébé c'est pour quand ?"
"Il va falloir t'y mettre, bientôt la trentaine !"
"C'est ton mari qui n'en veut pas ?"

Non mais oh !!! Foutez nous la paix merde ! Tu connais ma vie ? Tu sais pas ce que j'endure tous les mois depuis un an et demi ? T'as conscience que je suis pliée en deux des l'arrivée de mes règles, que je pleure à chaque fois qu'elles arrivent, que j'en ai ras le bol de devoir me montrer heureuse pour les autres ! Allez bien tous vous faire f*****

Me suis un peu emballée là nan ? J'aurai voulu pouvoir répondre ça, mais la bienséance fait que je répondais simplement : "oh bah tu sais on est pas pressé, on profite pour le moment" (phrase bateau hein)

Pendant cette période, mon mari est un soutien infaillible. Il est confiant, il y croit, on y  arrivera c'est obligé. Moi je commence à ne plus y croire. La tristesse est trop présente. Les mois se suivent et se ressemblent. La grossesse devient pour moi une obsession. J'en arrive même à faire des tests de grossesse presque à chaque cycle, avant d'avoir mes règles, juste pour espérer voir une deuxième ligne apparaître. Mais elle n'apparait jamais cette s***** de ligne.

18 mois d'essai, 18 mois de déception.

Je commence à en parler autour de moi, dans mon cercle familial et amical. Beaucoup sont compatissants, ils le sont même tous. Mais la plupart des gens jugent, pensent avoir la science infuse : "si tu ne tombes pas enceinte, c'est que tu y pense trop !".
Trop y penser ? Ok d'accord merci ça va bien m'aider. Comment je peux trop y penser et du coup me bloquer. La psyché est suffisamment puissante pour bloquer le corps ? Je n'y crois pas. Je suis sûre qu'il y a autre chose qui coince à l'intérieur de moi. Je ne peux pas l'expliquer, mais j'en reste persuadée.

Jusqu'à ce moment où à force de me dire que c'est dans ma tête et bien je commence à me culpabiliser. Des questions me pourrissent alors :
"Est-ce que au final j'ai vraiment envie d'un enfant ?"
"Si mon corps refuse cette grossesse c'est qu'il y a une raison"
Etc etc etc

J'en viens à me détester. Je ne sais plus quoi penser. J'essaie de lâcher prise, de me concentrer sur autre chose. Mais je n'y arrive pas, tous les mois me ramènent à mes démons. Et la grossesse ne vient pas. Et je sombre de plus en plus.


Illustration by Dju Lala 

4 : janvier / février 2017 : acunpunture en désespoir de cause

Étant donné qu'on a réussi à me mettre dans la tête que c'est ma tête qui m'empêche de tomber enceinte et non mon corps, je décide d'avoir recours à une médecine alternative : l'acupuncture.

Je m'étais renseignée, et je savais que cela pouvait influencer sur la fertilité. Désespoir de cause oblige, je me lance.

Mi janvier 2017, j'ai un rendez-vous, avec une spécialiste de ma Région. J'explique ma situation et elle me dit qu'effectivement l'acupuncture aide beaucoup de femme à tomber enceinte. Merde ça serait aussi simple que ça ? une séance et hop me voilà enceinte ? (mouai mouai). 

Après tout pourquoi pas, je n'ai rien à perdre (à part 80 euros lol).

La séance se passe bien, c'est même agréable, contre toutes attentes. Les aiguilles sont posées à des endroits bien spécifiques, je me retrouve allongée pendant une trentaine de minutes. Et je me détends. Ça me fait du bien, les nerfs se relâchent, et au pire je me dis que j'aurai passé un moment de détente, un moment pour prendre soin de moi.



La séance terminée, la madame me dit que je serai enceinte dès mon prochain cycle... (c'est cela oui). 

Je retourne à ma vie et à mon quotidien. Quelques jours après, les vilaines débarquent. Sans grandes surprises, la séance d'acupuncture avait été faite après mon ovulation. Mais pour une fois je ne les subits pas (enfin si, j'ai mal comme toujours) mais moralement, je ne me sens pas 6 pieds sous terre comme d'habitude (pour une fois ça change).

Un nouveau cycle démarre alors. Ma vie continue. Les semaines passent... et je prends soudain conscience que j'ai du retard ! Ce n'est pas la première fois. Avec des cycles menstruels au naturel, il m'était déjà arrivé d'en avoir de 20 jours et même une fois de 52 jours (imaginez le nombre de tests de grossesse fait à ce moment là lol).

Mais cette fois, j'ai du retard. Je ne suis pas optimiste. Car je perds un petit peu de sang foncé ; du spotting de son vrai nom. Mais toujours pas de vraies règles à l'horizon. J'attends 2/3 jours et je fonce à la pharmacie acheter un test. Nous sommes jeudi soir. Je n'attends pas le vendredi matin pour le faire.  J'attaque la bête dès mon retour du travail. Je pose le test sur la commode de la salle de bain et me prépare un café. 5 minutes passent. Je vais récupérer le test... Je vous le donne en mille : une deuxième barre est apparue ! Je suis sous le choc, je n'y crois pas. Je pleure, je ris, je saute partout. Mon mari n'est pas encore rentré du travail, je suis seule à la maison avec ce test positif entre mes mains. Comment je vais l'annoncer à mon mari ?

Attends Alexandra, ne t'emballes pas. Avec une prise de sang tu sera sûre et certaine du résultat. Ne t'emballes pas !

Mon mari rentre du travail. Je ne peux pas ne pas lui en parler. Je lui annonce de la plus pourrie des manières : "Je crois que je suis enceinte!" Il me répond : "Comment ça tu crois ?" Bah oui le test est positif, mais je perds un peu de sang, alors je ne sais pas quoi penser. Et voilà que je pleure à nouveau (de joie, de peur ? aucune idée). Mon mari est rationnel heureusement : "Fais une prise de sang demain avant d'aller bosser, comme ça on sera fixé pour de bon".

Ok je vais faire ça. Naturellement, je ne dors pas de la nuit, l'excitation et l'anxiété se sont bien confortablement installées dans mon esprit. Le matin arrive, et je fais un nouveau test de grossesse (bah oui ils sont souvent vendus par deux lol). Avec les urines du matin c'est toujours mieux. Le test est de nouveau positif et mes saignements se sont presque arrêtés. Merde cette fois-ci on y est, c'est la bonne. La prise de sang va être positive, c'est sûr de chez sûr.

Illustration by Dju Lala

5 : début mars 2017 : l'univers s'écroule

Vendredi matin. Direction le laboratoire d'analyses médicales. 

Pour une fois, je donne volontiers mon petit bras pour la méchante piqûre (je déteste les prises de sang, comme beaucoup de monde remarque). J'explique ma situation à la piqueuse (je ne sais pas comment on dit lol). Elle m'assure que la prise de sang, c'est infaillible. Aucun risque d'erreur possible. Elle m'explique à la louche comment interpréter les résultats en cas de grossesse.

L'hormone de grossesse (béta HCG) est présente dans le sang d'une femme enceinte. Et grâce à sa quantité, il est simple de connaître l'âge de l'embryon :  

Inférieur à 10Absence de grossesse
15 à 1001ère semaine de grossesse
45 à 1 6002ème semaine de grossesse
400 à 15 0003ème semaine de grossesse
3 300 à 80 0004ème semaine de grossesse
25 000 à 170 0006ème semaine de grossesse
20 000 à 200 0002ème au 3ème mois
10 000 à 110 0002ème trimestre
6 000 à 56 0003ème trimestre

Je connais ma date d'ovulation à un ou deux jours prêts. Au bout de plus d'un an et demi d'essai, tu commences à maitriser le sujet et à connaitre ton corps par cœur. Lors de l'ovulation il y a des signes qui ne trompent pas.

Pour moi, pas de doute, je suis au moins enceinte de 3 semaines (5 semaines d'aménorrhées).

Je ressors du laboratoire le cœur léger. Les résultats seront disponibles sur internet dans la matinée. Concrètement, ce matin là au travail, je n'étais pas super super concentrée (lol). Je me suis connectée à la page internet des résultats, et j'ai du appuyer sur la touche F5 de mon clavier à peu près 75 000 fois (rhmm rhmm).

En fin de matinée, le fichier des résultats est apparu en lecture. Je suis fébrile, je tremble, mon cœur s'emballe... Mes deux collègues de bureau (qui sont au courant de la situation) sont suspendues à mes lèvres.

Aller, j'ouvre le document...

Je reste figée quelques instants, ne comprenant pas clairement le résultat. Une de mes collègues me dit : "bah alors ?" C'est bon ou pas ?"
Honnêtement j'ai du balbutié un truc inaudible, voire plutôt émis un grognement.

Le résultat est affiché : 18 de béta HCG dans mon sang.
18 ???????????????????
What ? Je ne comprends pas, tout se bouscule dans ma tête. L'hormone de grossesse est bien présente mais dans une quantité qui ne correspond pas du tout à mon terme... Mes collègues pensent à un début de fausse couche ; il y a eu une fécondation mais elle s'est arrêtée en chemin.

Mais non, je ne veux pas entendre ça. C'est impossible. Avoir attendu tout ce temps pour finir sur une fausse couche ? NO WAY ! J'ai du me planter dans ma date d'ovulation, c'est obligé. Je suis enceinte mais depuis très très très peu de temps. Oui voilà, c'est pour ça. De toute manière le spotting s'est arrété, donc c'est bien ça. Voila, respires Alexandra, ne paniques pas tout va bien. Respires !

Le spotting s'est arrêté ? Oui mais me voilà partie aux WC, je fais ma petite affaire, et là c'est la fin du monde. En m'essuyant : du sang rouge de chez rouge. Du vrai sang... Non mais non, je vis un cauchemar, non non non et re non. On se fou de ma gueule !

Je retourne dans mon bureau, et fonds en larmes devant mes collègues. Elles me réconfortent mais je suis abasourdie. Je ne comprends pas bien ce qu'il se passe. Je suis vraiment entrain de faire une fausse couche ?
La fin de journée arrive avec une Alexandra complétement léthargique. Je vais de nouveau au laboratoire, demander des infos. Le verdict tombe : "Nous sommes désolés Madame, mais effectivement il y a bien eu un début de grossesse, mais au vu du taux et de vos saignements, la grossesse s'est arrêtée"

Coup de boule en pleine face. Les larmes coulent. La pauvre dame me fait une moue désolée. Je lui dis que c'est pas possible, que je galère depuis 18 mois environ, qu'il y a forcément quelque chose à faire. Elle me conseillera d'aller consulter un médecin rapidement... 

Je rentre à la maison, effondrée (pour pas changer le thème de la journée).



Illustration by Dju Lala



6 : fausse couche, welcome welcome

Une fausse couche...

Tout le monde c'est ce que c'est. Mais peu savent réellement...

J'étais en plein dedans. Mes espoirs, ma joie, tout, absolument tout s'est envolé en un claquement de doigts.

Je suis rentrée à la maison ce soir là. J'ai tout expliqué à mon mari. Il est triste, nous le sommes tous les deux. Il me réconforte, me prend dans ses bras. Il me dit que ça va aller, qu'il faut qu'on soit fort. Forte ? Je ne le suis plus à ce moment précis. Je n'ai qu'une envie ; me recroqueviller dans mon lit et ne plus jamais en sortir.

J'appelle ma maman. Les sanglots sont trop puissants, je n'arrive même pas à lui dire ce qu'il se passe. "Je ne comprends pas ce que tu dis chouchou, calmes toi et expliques-moi". J'arrive juste à prononcer ces deux mots entre deux sanglots "...fausse...couche". Elle saute dans sa voiture pour me rejoindre à la maison. Dans ces moments là, rien ne vaut la présence de sa maman, même à presque 30 ans.

Je lui explique l'histoire : les tests de grossesse, la prise de sang. Elle me console. Elle se montre forte pour moi et me dit d'être forte aussi. Que c'est difficile, mais que malheureusement cela arrive à beaucoup de femme. Qu'il faut se concentrer sur le positif : "tu es tombée enceinte une fois, ça reprendra obligatoirement rapidement", "la nature est bien faite, si tu l'as perdu c'est qu'il n'était pas viable".

Tout ça est vrai, j'entends tout à fait ce qu'elle me dit. Elle a raison. Mon mari pense la même chose. On touche au but. La machine a été mise en route une fois, elle fonctionnera mieux la prochaine fois. 

Alors pourquoi je n'arrive pas à relativiser ?
Ah oui ça y est je sais pourquoi... c'est parce que c'est mon corps qui est entrain de le vivre et non celui des autres. C'est mon corps qui me fait défaut depuis ma puberté et qui continu à me jouer des tours. Je le déteste de me faire ça, je n'en peux plus. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Pourquoi moi ? Putain de merde pourquoi moi ? Qu'est ce que j'ai fait pour déguster autant ?

Je passe la soirée lovée dans les bras de mon mari. Sa présence me rassure tellement. La nuit se passe et je dors d'un sommeil agité où je me réveille en ne sachant plus si je suis toujours enceinte ou pas et où la réalité me revient en pleine face (douce nuit Alexandra lol)

Le week-end qui suit me fait du bien. Nous étions invités chez nos meilleurs amis pour fêter un de leur anniversaire. Nous devions dormir la bas le samedi soir. Je préviens mes amies de la situation ; qu'elles ne soient pas étonnées de voir ma tête en vrac. Elles me câlinent et me changent les idées. Je passe une bonne soirée et un bon week-end.

Physiquement ? ça va. J'ai mal au ventre mais comme-ci j'avais mes règles. Et je perds du sang également comme des règles. Je me revois me dire, "bon ce n'est pas impressionnant à vivre physiquement". Je suis soulagée...

Le week-end se termine et nous rentrons, mon mari et moi, à la maison en fin de journée le dimanche. Je décide d'aller prendre une bonne douche. Dans ma salle de bain à l'étage, je commence à faire couler l'eau sur ma tête. Elle est chaude, c'est réconfortant. Je ne vois pas tout de suite ce qu'il se passe. J'ai les yeux fermés sous le jet d'eau. Je les ouvre et regarde mes pieds... La baignoire baigne dans une eau rouge, rouge de sang, mon sang. Il y a des éclaboussures sur les rebords (les films d'horreur n'ont qu'à bien se tenir). Je crie, je hurle. Mon mari arrive en courant dans la salle de bain et voit la scène... Je tremble, je crie. Je suis sous le choc. J'ai mal au ventre, beaucoup plus que pendant le week-end. Je sens des "morceaux" sortir de moi... Mon dieu ! je suis entrain d'évacuer naturellement mon bébé. Je revois ce "morceau", bien plus gros que les autres, et je comprends ce qu'il y a dedans. Je me jette dessus en pleurant, je ne veux pas qu'il parte, je veux le remettre de là d'où il vient. Comme-ci de rien n'était. Mon esprit divague complétement à ce moment là, je perds pieds. Je m'effondre dans la baignoire, en pleurant. Mon mari me passe le jet d'eau chaude sur tout le corps pour me calmer. Nous restons ainsi un long moment, le temps que je reprenne mes esprits. 

Je finis par terminer ma douche et redescend au rez-de-chaussée, en proie à une léthargie. Je suis réellement sous le choc de ce qu'il vient de se passer. J'ai fait une putain de fausse couche. Il vient de partir dans l'évacuation de la baignoire. Plus jamais je ne prendrai un douche sans repenser à ce moment...




Illustration by Dju Lala

7 : l'après fausse couche

Je passe une nuit horrible. L'épisode de la baignoire me hante. Je me réveille toutes les heures, et je sanglote dans mon lit. Discrètement, pour ne pas réveiller mon mari.

6h25, mon réveil sonne. Il faut aller travailler. Mais je ne peux pas, je n'y arrive pas. Mon corps est meurtri, j'ai encore mal. Je saigne beaucoup et cela m’épuise. Moralement et physiquement. Je ne vais pas travailler, impossible. Je contacte le bureau et leur explique que je suis souffrante, sans entrer dans les détails. Dans la foulée, j'appelle mon médecin traitant. J'ai rendez-vous dans l'après-midi. Expliquer ce qu'il vient de se passer à un professionnel de santé me parait important, et surtout une question me reste en tête : « ai-je bien tout évacué ? » Il ne faudrait pas en prime qu'il reste des « morceaux » ; je sais que ça peut être dangereux.

Je reste, en pyjama, dans mon canapé toute la matinée. Zéro motivation pour quoique ce soit. Je regarde la télé sans la regarder vraiment. Je me remémore la veille. Et je prends conscience de ce qu'il m'est arrivé. 

J'ai porté la vie... Certes, pour un moment très court. Mais j'ai porté la vie dans mon ventre. Et j'ai porté la mort également... Ironie du sort quand tu nous tiens. Le sentiment de désespoir est violent. Pourquoi mon corps à rejeter mon bébé ? D'aucuns me diront (et m'ont dit d'ailleurs) "ça va tu étais à peine enceinte, t'as pas eu le temps de t'accrocher !"

Pardon ? Bien sûr que je me suis accrochée à ce petit embryon, même s'il n'avait que quelques jours. Bien sûr que je me suis projetée à l'issue des 9 mois de grossesse avec mon bébé dans les bras. Bien sûr que mon instinct de protection était déjà en place, c'est automatique. Merde !

Je me voyais déjà maman, et me voilà retournée à la case départ (sans toucher les 20 000 francs hein). 

Encore aujourd'hui, je pense souvent à cette première grossesse, à toi. Je ne peux m'empêcher de me dire : "si j'avais pu te garder en moi, tu aurais aujourd'hui, 6 mois, 1 an, etc".

Je te demande pardon petit haricot. Pardon de ne pas avoir su prendre soin de toi ni d'avoir pu te protéger. Mais je ne t’oublie pas, jamais je ne le pourrais. 

Me voilà à attendre dans la salle d'attente du médecin. Douchée et habillée (quand même). Il me reçoit et je lui explique l'histoire. Naturellement, il est désolé pour moi. "Vous n'avez vraiment pas de chance" (sans blague !). Il me prescrit une échographie à faire, afin de bien vérifier que mon avortement spontanée (c'est comme ça qu'on dit) est bien allé au bout, et que mon utérus est vide. Le doc me prescrit un arrêt de travail d'une semaine, pour me reposer et reprendre des forces. Je perds beaucoup de sang et je suis fatiguée de tout ça. J'accepte l'arrêt de travail sans broncher. 

J'appelle un laboratoire d'imagerie médicale aussitôt ressortie. Pas de rendez-vous avant plusieurs jours... J'insiste au téléphone, c'est urgent. J'explique mon cas, encore... La dame se montre compréhensive au vu de la situation : rendez-vous le lendemain pour mon échographie. Je retourne vite à mon canapé, cocoone polaire pour m'envelopper et bouillotte sur le ventre (toute ma vie depuis plusieurs mois quoi). 

Mardi : jour de l’échographie. Je ne fais pas la maligne. J’ai les boules. J’arrive au point d’accueil des patients pour l’enregistrement de mon dossier, et j'explique ma situation (encore et encore). « Date de vos dernières règles madame ? » Sérieux ? On s’en fou non ? je l’ai perdu, qu’est-ce que ça change à l’histoire ?
Je donne la date de mes dernières règles et vais m’assoir dans la salle d’attente. 

Vient s’assoir à côté de moi, une jeune femme… enceinte jusqu’aux dents. Elle vient faire une échographie de contrôle à tous les coups. Elle est magnifique avec son ventre bien rebondi. Les yeux me piquent tout d’un coup. Je la regarde avec envie. Elle caresse son ventre. C’est beau. Je touche mon ventre. C’est vide. 

Une femme en blouse blanche m’appelle : c’est mon tour (ouf je n’aurai pas eu à attendre longtemps avec superbe maman à mes côtés). La docteure a une bonne tête, et surtout c’est une femme. Je ne sais pas pourquoi mais ça me rassure. J’explique mon histoire : le début de grossesse, la fausse couche. Je lui dis que sur avis de mon médecin traitant, je viens vérifier si mon utérus est bien vide. "On va regarder ça" qu'elle me dit (pas de "désolée madame" ? "courage ça va aller " et bah nan !) Je m’installe sur la table. Je relève mon pull… « Ah non madame, on va faire une échographie pelvienne, je verrai mieux » Je me déshabille donc (vulnérable à souhait). L'examen commence. La sonde, à l'intérieur de moi, est froide avec la tonne de lubrifiant dessus. L'examen est complétement indolore (ouf). Elle oriente la sonde de différentes manières. Et je vois, ce que je pense être mon utérus, sur l'écran de l'échographe. La doc m'explique que mon endomètre est épais (ok d'accord super, j'ai rien compris). Et tout d'un coup, je ne sais qu'elle mouche l'a piquée, elle me sort, sur un ton plus que tranchant : "bah il est vide votre utérus, je ne vois rien, il n'y a pas de grossesse!"...

Coup de boule en pleine face pour Alexandra. Je reste interloquée sur le coup. Les larmes montent et je lui réponds : "bah bien sûr qu'il n'y a pas de grossesse, je l'ai perdu ! Vous vous rappelez ?". Les larmes coulent. Elle retire sa sonde rapidement (heureusement, sinon je pense que je lui plantais dans la gorge, sans lubrifiant !). Elle s'excuse pour son manque de tact. Trop tard, le mal est fait. Je me rhabille fissa et commence à partir de la salle d'examen. Elle me rattrape : "attendez dans la salle d'attente, que je vous ramène le compte rendu d'examen"

Je ne réponds même pas et sort rapidement. Ouf, jolie maman est partie. Je sors un mouchoir de ma poche et essuie mes larmes. J'en ai ras le bol de pleurer. Une petite mamie, assise plus loin, me regarde du coin de l’œil. Je l'ignore.

Les résultats sont prêts. J'arrache la feuille cartonnée des mains du monstre inhumain. Ton "au revoir", et "bonne journée" tu peux te le mettre là ou je pense ! 

Une fois dehors, j'appelle mon mari. Mais il est au travail et ne répond pas. J'appelle ma maman. Elle décroche ; entendre sa voix me fait du bien. Je lui raconte mes péripéties et je fonds en larmes une fois de plus. "Je suis tombée sur une putain de connasse maman !" Elle est dépitée pour moi, elle ne pensait pas qu'une femme pouvait se montrer aussi froide.

C'était la première fois que je tombais sur une personne aussi peu compatissante... malheureusement pour moi, ça ne sera pas la dernière...

Malgré tout, je suis soulagée. Physiquement, mon corps a bien fait son travail. Il ne reste rien de toi. Je peux passer à autre chose et continuer à avancer. Enfin, essayer tout du moins.


8 : milieu de l'année 2017, le mot qui fâche

Ma semaine d'arrêt de travail touche à sa fin. Heureusement, car au final, être restée à la maison, seule avec mes démons, ne m'aura pas fait plus de bien que ça (lol). J'ai tout de même le mérite de m'être reposée.

Mon corps va mieux ; les saignements se sont presque arrêtés. Mais ma tête et surtout mon cœur, eux, ne sont pas au mieux de leur forme. Je pleure tous les jours.. Je pense sans cesse à ce que j'ai perdu. Je m’apitoie sur mon sort, je me plains de la situation merdique dans laquelle nous sommes. Mon mari me botte les fesses pour que je remonte la pente. Je ne l'entends même plus. Je reste enfermée dans ma tristesse et quelque part, au fond de moi, je ne veux pas en sortir. En sortir ça serait oublier ma grossesse et mon bébé. Je m'y refuse. Hors de question que je passe à autre chose. Je suis d'une humeur de chien. C'est une période de ma vie où je n'ai pas le souvenir d'avoir eu le sourire. Pas le sourire de circonstance pour faire bonne figure (celui là je le maitrise à la perfection), non je parle du vrai sourire, celui qui reflète le bonheur... (il était bien loin le bonheur à ce moment là, surement parti en vacances pour une durée indéterminée). J'ai malgré tout, conscience que, pour mon mari, cela n'a pas dû être une période facile non plus. Vivre avec une femme qui peut exploser à la moindre réflexions ou contrariétés... Qui n'a plus envie de sourire... Il ne devait même plus savoir comment s'y prendre avec moi. Le pauvre. J'étais tellement enfermée sur moi-même, que j'en ai oublié que lui aussi, il a perdu son bébé. Je m'efforce alors à faire des efforts, pour lui. Afin qu'il ne subisse pas mon mal être constant. 

Je reprends le travail et ma vie. Avoir une activité professionnelle me fait du bien. Je n'ai pas le plus épanouissant métier du monde, mais il a le mérite de me changer les idées et mes collègues y contribuent aussi. Tout doucement, avec mon mari, nous reprenons nos essais bébé. Ma phase de deuil touche à sa fin, je sens que j'ai avancé sur le sujet. Ma joie de vivre et mon sourire sont revenus de leurs congés sans soldes. Cette fois, une vague de confiance renait en moi. Moralement, je me sens beaucoup mieux. Le temps a fait son œuvre. Je redeviens la Alexandra déterminée que je pense avoir toujours été. Je vais retomber enceinte rapidement, j'y crois. Les hormones de grossesse ont déjà été présentes dans mon corps. La machine est lancée et elle va l'être à nouveau. Oui j'y crois. (ma pauvre Alexandra, tu crois vraiment au père Noël).

Tiens en parlant de père Noël ; tellement persuadée de ma future grossesse imminente ; je dis un jour à mon mari : "je prends le pari avec toi, pour le prochain Noël, je serai enceinte avec un peu de chance". Je ne savais pas à ce moment là que la chance était elle aussi, partie en vacances (rejoindre Joie de vivre et Bonheur à tous les coups). Elle ne donnera des nouvelles que de longs très longs mois plus tard.

Les semaines passent, les mois passent. Nous sommes arrivés au début de l'été 2017. Et toujours pas de nouvelle grossesse à l'horizon. 2 ans depuis l’arrêt de ma pilule. Putain de merde. Je n'ai plus le choix. Je sais ce qu'il nous pend au nez avec ces 2 ans d'essais sans succès ; j'ai la trouille. Je me décide à prendre rendez-vous chez ma gynécologue, courant juillet 2017. Je lui explique les derniers mois d'essais et ma fausse couche... "Oh vous étiez à peine enceinte, cela arrive à beaucoup de femmes". Tout ce que j'avais envie d'entendre ! Elle me fait les examens annuels classiques. Le rendez-vous se termine et elle m'annonce qu'elle ne peut plus rien faire pour moi. Qu'il faut que mon mari et moi nous nous orientions vers des professionnels de la fécondité (aie aie aie le mot qui fait peur va être prononcé, non non je ne veux pas). Elle rédige un courrier à l'attention d'une docteure spécialiste du domaine dans une clinique de ma Région. Le couperet tombe. Avec ce courrier, nous entrons officiellement dans la catégorie des couples avec des difficultés à concevoir... Le mot PMA est prononcé (merde merde et re merde). 

La PMA ou Procréation Médicalement Assistée (ou Assistance Médicale à la Procréation dans certains endroits) consiste à mettre en place des protocoles médicaux pour aider le couple à avoir un bébé. Je connais ce système (FIV, insémination artificielle etc). J'ai une amie qui a eu recours à la FIV à plusieurs reprises avant d'avoir son bébé. Je suis dégoutée. Je savais très bien que ça me pendait au nez un jour ou l'autre mais j'avais tellement espoir de l'éviter que je me prends un coup de masse. On en finira jamais de cette galère. Quand est-ce que ça va s'arrêter ? Mais qu'est ce qu'on a fait pour mériter ça ?

Je rentre à la maison et explique à mon mari ce qui nous attend. Il est dégouté, vraiment. Cela lui fait peur. Mais loin d'être enchanté par la situation, il reste très motivé, comme toujours, à faire ce qu'il faut pour réussir à avoir notre bébé. De mon côté, je n'en suis pas là. Ma mauvaise humeur de femme dégoutée revient en force. J'ai peur. La PMA, pour une femme, implique énormément d'examens médicaux, de contraintes liées aux injections de stimulants ovariens, de gestion du temps pour les nombreux rendez-vous. C'est un sacret bordel qui m'attend. Je n'en veux pas. Je dis à mon mari que je ne suis pas prête à subir tout ça. Moralement je suis encore trop fragile pour encaisser de tels protocoles médicaux. Mon mari me rappelle gentiment que ce n'est pas forcément moi qui ai un problème à concevoir mais peut être lui, voire même nous deux en même temps. Mais ça ne change rien. Je suis assez renseignée pour savoir que si l'infertilité vient de l'homme, c'est la femme qui subit les protocoles (bah oui c'est elle qui porte). Nous discutons longuement au sujet de la PMA. Nous nous fâchons même un peu car je fais marche arrière et lui veut aller de l'avant. Nous décidons de couper la poire en deux : nous ne refusons pas la PMA mais nous me laissons le temps d'appréhender la chose. Si je ne tombe pas enceinte d'ici là, nous prendrons notre premier rendez-vous en PMA pour le début de l'année 2018. Pas avant. Je me laisse l'été et quelques mois derrière pour y penser et peut être qu'au final, la PMA n'aura été dans notre vie qu'un mot prononcé au détour d'un rendez-vous gynécologique.


9 : plus le choix, PMA nous voilà

Inutile de préciser que les quelques mois de "pause" en prévision de la PMA n'ont absolument rien donné. Mon utérus s’évertue à demeurer vide.

Le temps passe tellement vite... Malgré tous ces mois d'essais depuis juillet 2015, qui, sur le coup, m'ont semblé longs,  je ne peux que constater que le temps défile, sous mes yeux, sans que je ne puisse le ralentir.

Nous sommes tout début de l'année 2018. Je vais avoir 30 ans dans 5 mois... Je ne suis toujours pas maman. Ce n'est pas qu'à 30 ans il faut être maman, non loin de là. C'est plus un sentiment de bilan négatif sur notre projet de devenir parents. Bientôt 3 ans qui nous y travaillons. Et déjà un an s'est écoulé depuis ma fausse couche. J'ai l'impression de faire du sur place.

La peur d'un parcours en PMA ne m'a pas quitté. Mais je n'ai plus le choix, nous sommes au pieds du mûr.

Je me décide à contacter la clinique spécialisée. Nous avons un rendez-vous rapidement avec la docteure recommandée par ma gynécologue. Nous devons nous y rendre tous les deux, mon mari et moi. La secrétaire au téléphone me demande de venir avec nos derniers examens médicaux passés (prise de sang, bilan hormonal, IRM pelvienne, compte rendu d’hystérosalpingographie etc). Le rendez-vous est fixé courant février (si ma mémoire ne me fait pas défaut). Un milliard de questions nous passent par la tête, la PMA nous fait peur à tous les deux décidément.

Le jour du rendez-vous arrive. Nous y allons fébriles, ne sachant pas à quelle sauce nous serons mangé. Car oui, de réputation, la docteure est excellente dans son domaine mais elle n'est pas réputée charmante (elle est même réputée froide comme la glace). Bon... Nous nous présentons à l'accueil pour l'enregistrement de notre dossier administratif, puis nous allons patienter dans la salle d'attente. Je suis étonnée de constater qu'elle est pleine (il va falloir prendre son mal en patience avant d'être reçu) mais surtout je me dis que merde, il y a beaucoup de couples dans la même situation que nous malheureusement. Mes jambes tremblent, bien que je sois assise. On discute avec mon mari, de tout, sauf du rendez-vous en approche. Nous ne sommes ni plein d'espoir ni désespérés, simplement dans l'attente.

La docteure vient chercher les couples au fur et à mesure. Effectivement, elle n'a pas l'air aimable... Mes jambes n'arrêtent pas de trembler. Nous attendons plus d'une heure, quand vient notre tour : "C'est à qui le tour ?" Euh bah je crois que c'est à nous. Nous entrons dans son cabinet. "Qu'est-ce qui vous amène ?" (rien on a vu de la lumière et on est entré !). Je lui explique que sur conseil de ma gynéco nous venons dans l'espoir d'avoir un bébé. Quand elle apprend que cela fait presque 3 ans que nous essayons, elle nous sort "il fallait venir plus tôt!" (ok d'accord la messe est dite). Nous passons en revu mes examens et je lui explique l'épisode de la fausse couche. "oh mais ce n'est rien ça, c'était qu'une grossesse biochimique ça ne compte pas" (j'ai soudain une forte envie de lui botter le cul). Aucune compassion, aucun mot gentil ou d'encouragement ne sortira de sa bouche. Elle nous prescrit des examens à passer : spermogramme pour mon mari, bilan hormonal et hystéroscopie pour moi. "Vous revenez me voir quand tout ça sera fait, bon soir". Et elle va ouvrir la porte pour chercher un autre couple. Nous remettons nos vestes fissa et nous sortons rapidement de la clinique. Impossible de débriefer avec mon mari dans l'immédiat, la rendez-vous était après nos travail respectifs, et nous étions venus à deux voitures. Nous repartons chacun de notre côté, rendez-vous à la maison. Je monte dans ma voiture et fond en larmes...

Mes larmes n'ont pas arrêté de couler jusqu'à mon retour à la maison. Mon mari me grille direct. Il est choqué comme moi devant le comportement de la docteure. Il me dit : "j'étais à deux doigts de lui rentrer dedans à cette c****!" Je suis tellement décue de cet entretien, j'espérais de la compassion et de la gentillesse, et je récolte de l'indifférence et un mari furax. Mon mari ajoute : "On va prendre sur nous parce qu'on a besoin d'elle, mais putain j'espère que ça marchera rapidement pour pas voir sa gueule trop souvent". Honnêtement je me dis la même chose.

Comme un éternel recommencement, je prends rendez-vous pour passer mes examens. Heureusement, je peux tout faire directement à la clinique. Pour la prise de sang pas de problèmes, j'ai l'habitude d'en faire. Je constate néanmoins que le personnel du laboratoire est très gentil et bienveillant. Ils ont l'habitude de piquer des femmes en parcours de PMA et ils se montrent encourageant pour moi. Cela me fait chaud au cœur. Pour mon hystéroscopie (caméra qui passe par le col de l'utérus pour vérifier s'il n'y a pas des kystes aux ovaires et voir l'état général de l'utérus), c'est une autre paire de manches. Le rendez-vous est fixé rapidement. Je suis plus que sereine. L'hystéroscopie est réputée complétement indolore par rapport à une hystérosalpingographie. Je n'avais absolument rien senti pour cette dernière, donc j'y vais à la cool (si j'avais su...). L'examen se passe avec une gynécologue et deux infirmiers (rien que ça ?). Je m'installe sur une table, pieds dans les étriers et moumoune à nue bien en évidence (à ce stade de mon parcours, je n'en suis même plus à être gênée, ma dignité s'en est allée bien loin en vacances depuis belle lurette). L'examen commence... Le passage de la caméra dans le vagin, no problémo, mais vient le moment de franchir le col de l'utérus et là c'est le drame. Je me mets à hurler en me cabrant de douleur. "Madame ne bougez pas s'il vous plait!". Je lui réponds que j'ai mal, que j'ai vraiment très mal. Je comprends soudain la présence des deux infirmiers : un à gauche et un à droite. Ils me maintiennent par les bras et les jambes pour ne pas que je bouge. "Courage Madame, c'est bientôt passé". Les secondes passent lentement, j'ai mal. Une douleur vive, horrible, irradie de mon intimité jusqu'à mon anus. Je ne connais pas cette douleur mais elle est vraiment intense. Je fonds en larmes sur la table, je supplie que l'examen se termine. Pitié que ça s'arrête. La gynéco termine l'examen. Mais la douleur est encore présente, j'ai mal à l'intérieur. "Madame, ne vous inquiétez vous allez perdre du sang, le col de l'utérus est irrité du coup" (ah bon ? j'avais rien senti !!!). La gynéco m'explique, qu'au niveau de mon col, il y a comme une petite butée (une marche) et qu'il a fallu qu'elle force pour passer le col avec la caméra. Elle s'excuse d'avoir dû me faire mal.

Au final, et heureusement d'ailleurs, l'examen est ok, il n'y a rien d'anormal. Je n'arrive même plus à parler, mes sanglots ne se calment pas. J'ai un peu honte aussi, d'avoir pleuré comme une nouille devant ces personnes. Je crois que je suis restée un bon quart d'heure à sangloter sur la table avant d'aller me rhabiller. Je pleurais encore quand je suis sortie et j'ai croisé des jeunes femmes dans la salle d'attente qui venaient pour le même examen que moi. J'ai tellement dû leur faire peur quand elles ont vu passer ma tête... Désolée Mesdames.

Je suis sur le parking de la clinique et me dirige vers ma voiture. J'appelle mon mari ; il m'avait demandé de le tenir au courant. Je ne commence même pas par lui dire que tout est normal, mais m'empresse de lui expliquer comment j'ai passé un mauvais quart d'heure. Je pleure encore au téléphone. Il me rassure, me dit de me calmer : "tout va bien, c'est terminé, calmes-toi". Je lui réponds que si la PMA commence comme ça, je ne vais pas tenir le coup. C'est trop douloureux, tant sur le plan physique que mental. Je rentre à la maison. Ce soir là, un bon bain pour me détendre et un câlin dans les bras de mon mari seront ma meilleure thérapie.

En y repensant, j'ai été soulagée que l'examen n'est rien montré d'anormal, mais au fond de moi je reste perplexe. Encore une fois, tout semble montrer que tout va bien dans mon corps. Ce n'est pas que j'aurai préféré avoir quelque chose, mais avoir quelque chose aurait expliqué mes difficultés à concevoir. Et là... bah tout va bien. Mais ça ne fonctionne pas pour autant. Affaire à suivre.



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